Les inquiétudes sont vives dans le quartier du Sartel à Roubaix. Les maisons et surtout l’école se trouvent à proximité du site choisi par la Métropole pour épandre les boues toxiques provenant du drainage des canaux de l’agglomération. Cette pollution s’ajoute à celle déjà présente sur place. Sur ce site : les friches Kuhlmann, les industries chimiques se sont longtemps succédées et ont laissé derrière elles deux terrils de composants chromés, des éléments radioactifs et autres produits chimiques. A l’heure où le ballet des camions va commencer, aucune analyse des sols et des boues n’a été communiquée aux riverains.
CAP21 s’associe aux habitants du Sartel pour demander qu’une réelle transparence soit faite sur ce dossier.
Vous trouverez ci-dessous, une synthèse des éléments dont nous disposons et surtout les multiples questions que nous nous posons quant aux risques sanitaires engendrés par cette opération.
Blue Link et la friche Kuhlmann de Wattrelos
Une requalification de site remarquable …
…mais qui pose beaucoup de questions pour l’écosystème et la santé publique à terme !
Les acteurs
Au départ, tout le monde ne peut que se féliciter de cette initiative de la communauté urbaine de Lille Métropole sous l’impulsion de Slimane Tir, vice-président en charge des espaces naturels. Celui-ci veut recréer un traffic de navigation de plaisance dans les différents canaux de l’agglomération et en particulier, sur le canal de Roubaix.
Ceci s’intègre dans un projet européen « Blue Link » de revalorisation des canaux à potentiel de navigation de la région.
L’opération fait l’objet d’une étude préalable par le cabinet Euromapping, puis la réalisation est prise en charge par l’Etablissement Public Foncier de Lille(EPF).
Les fonds de financement du projet
On y trouve des fonds européens (Intereg III), de la communauté urbaine de Lille Métropole (LMCU), du Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais et enfin de la région Wallonne puisque tout cela comporte des enjeux transfrontaliers.
Les travaux prévus et engagés:
· rénover les écluses
· restaurer ou reconstruire les ponts
· construire des infrastructures pour les plaisanciers
· désenvasement du canal de Roubaix
le projet Blue Link en liaison à la friche de l’ancien site Kuhlmann de Wattrelos :
En effet, il faut pouvoir trouver un lieu de stockage pour l’énorme quantité de boues de dragage qui va être évacuée du canal de Roubaix. Dans le cadre du projet Blue Link piloté par l’EPF pour LMCU, c’est le site de l’ancienne usine Kuhlmann de Wattrelos qui a été choisi comme lieu de stockage puis d’enfouissement.
Signalons que le dernier exploitant industriel de cette usine est le groupe Rhône-Poulenc devenu ultérieurement Rhodia.
Les substances et quantités en jeu sur le site de la friche Kuhlmann de Wattrelos :
Le site fait au total 47 hectares. Il comporte d’après les sources [1] du Ministère de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement Durable (MEDAD, trois zones de produits chimiques entreposés :
· deux terrils de 150 000 et de 500 000 m3 de charrées de chrome
· un dépôt de phosphogypses, faiblement radioactif de 5 millions de tonnes sur 12 hectares
· deux anciens bassins de décantation des effluents aqueux
Il existe un rejet d’environ 10 à 70 kg de dérivés chromés Cr(VI) par jour.
Les dépôts de dragage seront d’un volume de 240 000 m3 à l’état humide et réduit à 120 000 m3 à l’état sec.
Ceux-ci viendront couvrir le dépôt de phosphogypses
Dans le passé, les deux terrils de dérivés chromés ont fait l’objet de travaux de confinement. Le but de ces travaux était d’éviter le passage ou le lessivage par la nappe phréatique.
Le drainage des eaux polluées vers un bassin et son pompage vers un traitement spécialisé ont aussi été réalisés.
Il n’y a pas d’information publiée sur l’état du flux actuel de pollution de dérivés chromés vers l’Espierre.
Certes on a aussi comblé trois forages d’eau industrielle utilisés pour le site autrefois.
Une couche d’argile doit être déposé pour confiner les terrains pollués.
Enfin Rhodia se propose de faire subir aux résidus chromés un traitement biochimique permettant de transformer les résidus chromés (Cr(VI)) des terrils en dérivés du Cr(III) beaucoup moins toxiques.
360 000 m3 de matière végétale doivent être déposés par-dessus tout cela.
Les questions qui viennent à l'esprit et que l’on est en droit de se poser :
· Est-il normal de maintenir un tel stock (plusieurs millions de tonnes) de produits hautement toxiques en plein centre d’une métropole avec tous les risques naturels ou de malveillance que l’on peut imaginer ?
· N’est-il pas le devoir prioritaire de toutes les autorités parties prenantes de procéder à l’élimination de ces produits vers des lieux de traitement et de stockage ultime agréées ?
Si l’on examine le projet présenté, beaucoup de zones d’ombres persistent :
· Quel est le risque et les conséquences estimées en cas de montée des eaux du canal (la zone est répertoriée inondable) ?
· Quelle est la radioactivité ambiante résiduelle ? quelle pollution radioactive des eaux de drainage ?
· Comment va-t-on surveiller les émanations gazeuses et les écoulements sur le plan de la pollution ?
· Envisage-t-on toujours de transformer la friche en espace vert ouvert au grand public ?
· Quelle garantie la population a-t-elle de la décontamination des boues de dragage, car ceux-ci concentrent des métaux lourds, des hydrocarbures lourds et probablement des PCB ?
· La décomposition progressive des boues par l’action des UV et de la chaleur ne risque-t-elle pas de conduire à des émanations gazeuses toxiques ?
· Quelle est la tenue des différents matériaux d’étanchéification / confinement dans la durée sous l’action
de la biodégradation et des UV ?
· Maîtrise-t-on les réactions chimiques qui peuvent se produire entre les différents dépôts et leurs conséquences ?
· Quelle maintenance sera-t-elle effectuée de manière prolongée pour veiller au bon confinement des différentes substances toxiques et assurer un risque résiduel acceptable pour l'écosystème et la population ?
En conclusion, nous craignons beaucoup, qu'une fois les différentes (et énormes quantités) enfouies, on ait, comme d'habitude, tendance à oublier ce qui se cache sous la belle herbe verte !
En somme, nous craignons l'installation d'un "petit Tchernobyl chimique"
SOURCES:
Notes d'information officielles
· A Wattrelos, la friche Kuhlman en voie d'aménagement, Site www.lillemetropole.fr
· Friche Kuhlmann : vers un espace naturel métropolitain. Site www.mairie-wattrelos.fr
· Le dragage des sédiments du canal de la Deule à l'Escaut. Site www.bluelinks2008.org
Données techniques officielles
· Extrait de la base de données BASOL du Ministère de l'Ecologie (MEDAD) sur le site Ancienne usine Kuhlmann, Rue Berthelot, 59150 WATTRELOS
· Extrait du Rapport de présentation du PLU de Lille Métropole, Présentation générale du territoire et environnement, 2004
· Extrait du Schéma Directeur de Développement et d'Urbanisme de Lille Métropole, 2003
· Extrait de l'étude "Les sites et sols industriels pollués dans la région Nord-Pas-de-Calais, DRIRE NPdC, 1998.
· Extrait du Rapport Desgraupes présenté devant le Conseil Supérieur de l'Information Nucléaire (CSIN) en octobre 1991 "Charrées de chrome de Rhône-Poulenc à Wattrelos"
Données toxicologiques et écologiques
· Extrait de l'ouvrage "Santé et Environnement, l'abécédaire" de Corinne Lepage, JM Laffont Editeur, 2005.
· Extrait de l'ouvrage "Guide patique de toxicologie, F-X Reichl, De Boeck Université, 2004.
· Extrait de l'ouvrage "Chimie de l'environnement. Air, eau, sols, déchets, Cl.Bliefert, R.Perraud, De Boeck Université, 2001
Législation sols pollués
· Atelier-presse : Sites et sols pollués, Ministère de l'Ecologie (MEDD), Paris, le 14-02-07.
· Guide relatif aux modalités de gestion et de réaménagement des sites pollués, Ministère de l'Ecologie (MEDD), 08-02-07.