C'était un engagement de campagne du candidat Hollande : bloquer le prix des carburants en cas de hausse trop prononcée. Mise de côté avec la baisse des prix intervenue à la fin du printemps, la promesse est redevenue d'actualité cet été : à la mi-août, l'essence et le diesel avaient en effet retrouvé des niveaux de prix proches de leurs records. Le gouvernement devait donc prendre des "mesures appropriées" à la fin août [1].
La recherche d'une solution pour atténuer les effets de l'envol du prix des carburants est une question socialement légitime. Celui-ci ampute le budget des ménages contraints de se déplacer en voiture, notamment pour leur travail. Il constitue une forme de "double peine" pour ceux qui ont été chassés des centres-ville par la hausse des prix de l'immobilier. Un dispositif de type tarif social, sur le modèle de celui mis en place à destination des plus pauvres pour l'électricité et le gaz (et très peu généreux pour l'instant), serait donc bienvenu pour aider les petits salaires et les chômeurs à continuer à se déplacer.
Le gouvernement devrait-il aller plus loin en bloquant les prix hors taxes à la pompe ? Cela désinciterait les pétroliers à investir dans les capacités de raffinage sur le sol français, déjà vieillissantes et inadaptées à l'évolution de la demande, et renforcerait la dépendance énergétique de la France vis-à-vis de l'extérieur. Pourrait-on alors réintroduire la "TIPP flottante" ? Ce mécanisme, en vigueur de 2000 à 2004, permettait d'ajuster le niveau des taxes sur les produits pétroliers - qui représentent de 50 % à 60 % du prix final - afin que les rentrées fiscales n'augmentent pas avec la hausse des prix hors taxes. Pourquoi pas en effet, mais si le gouvernement veut aller plus loin et abaisser durablement ces taxes, c'est une autre affaire : un centime de taxes en moins coûte aux finances publiques 500 millions d'euros par an. Guère imaginable alors que le gouvernement racle les fonds de tiroirs pour réduire le déficit.
Cela représenterait aussi une subvention durable à la consommation énergétique, y compris pour les riches propriétaires de 4X4 et autres grosses cylindrées. Déconnectés des prix de marché voués à augmenter, les consommateurs ne seraient pas encouragés à s'adapter à la raréfaction croissante des ressources hydrocarbures, ni à limiter leurs émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le changement climatique. Et le réveil serait à terme très douloureux. Protéger les plus démunis de la précarité énergétique est une nécessité, mener la transition énergétique en est une autre.