Les experts, analystes divers et journalistes ont essayé avec leur matériau, leur grilles d'analyse de comprendre pourquoi les drames de Montauban et de Toulouse avaient pu avoir lieu et comment la République avait pu voir émerger en son sein des Mohamed Merah. Il est maintenant clair que ce personnage, a manqué de cadre de références (père absent, échecs scolaires, ...) et après des revers professionnels s'est laissé influencé par différents prédicateurs radicaux propageant la haine de l'occident, des juifs, "des croisés" et appelant de manière plus ou moins explicite à la guerre sainte (djihad).
Ainsi, pour Abdennour Bidar, professeur agrégé de philo en classes prépas, ce monstre avec ses actes est une conséquence de la maladie de l'Islam (Le Monde du 24 mars 2012), il appelle donc à un retour critique, qui nécessite un certain courage, à sortir des certitudes, à remettre en cause certains dogmes et à accepter une refondation comme le demande aussi depuis plusieurs années Malek Chebel, anthropologue et essayiste sur l'Islam.
Il faut s'interroger aussi comme le fait Caroline Fourest, essayiste et journaliste, (Le Monde du 31 mars 2012) sur le rôle joué par un bon nombre de prédicateurs intervenant sur le sol français et s'autorisant à délivrer des prêches, des recommandations, des incitations à la violence en complète contradiction avec les valeurs de la République Française et les droits de l'homme. On peut s'interroger aussi sur la grande tolérance dont ils ont bénéficiée au cours des années récentes et se féliciter qu'à la suite des protestations de personnalités et d'associations, ils ne viennent plus au congrès annuel prochain de l'UOIF.
Il est aussi inquiétant de voir à quel point le film "Désintégration" sortie en salle le 15 février dernier et qui décrit le basculement de trois jeunes de l'agglomération lilloise dans le terrorisme était prémonitoire.
Notre société devient intrinsèquement violente, et même si on ne peut l'accuser d'être la cause directe de l'émergence de ce terroriste, doit être considérée comme un catalyseur ou un terreau favorable au passage à l'acte (voir l'article de Bernard Stiegler, philosophe dans le Monde du 30 mars 2012) : apologie par certaines élites de l'inculture, violence diffusée quotidiennement sur la télévision et internet, individualisation et disparition ou affaiblissement des collectifs de travail et des corps intermédiaires, frénésie de rapidité et d'instantanéité ...
De manière plus approfondie, l’Institut Montaigne a mené une grande enquête sociologique d'août à novembre 2010 intitulée "Banlieue de la République" sur le territoire où ont éclaté les émeutes de 2005 : la communauté d’agglomération de Clichy-sous-Bois/Montfermeil (93). Ces deux villes bénéficient aujourd'hui du plus important plan de rénovation urbaine (dans le cadre du PNRU) de France, mais doivent faire face à un fort taux de chômage.
Comment continuer à "faire société" ? Cette question a agité les esprits suite aux violences urbaines de 2005. Ce malaise est-il à mettre sur le compte d’une panne du modèle d’intégration culturelle ? Sur des problèmes d’insertion sociale plus large ?
Le travail de recherche a été mené sous la Direction de Gilles Kepel, professeur à Sciences Po Paris avec 5 jeunes chercheurs dont plusieurs issus de l'immigration eux-même.
Ci-après la vidéo du débat organisé "Six ans après les émeutes, que s'est-il passé à Clichy-sous-Bois et Montfermeil ?" avec Claude Dilain, sénateur-maire de Clichy-sous-Bois, et Xavier Lemoine, maire de Montfermeil. Ils reviennent sur l'étude de l'Institut Montaigne, "Banlieue de la République" au côté de son auteur, Gilles Kepel, Professeur des Universités. Ils sont interrogés par Marie-Caroline Missir.
L'enquête donne à lire et à entendre la parole de cent habitants, interviewés en sept langues autour de six thèmes : logement et rénovation urbaine, éducation, emploi, sécurité, politique et religion. Cette parole questionne en creux le pacte républicain et la notion même d'intégration : comment faire société dans un territoire complexe et enclavé ?