Les normes européennes de qualité de l'air concernant les particules sont trop laxistes à cause des lobbys
Le professeur d'épidémiologie Bert Brunekreef de l'Université d'Utrecht aux Pays-Bas est un expert reconnu en matière de d'évaluation des conséquences sanitaires de la pollution de l'air. Il accuse la Communauté Européenne de laxisme sur le problème grave des particules fines et d'après-lui, celle-ci est un peu trop sous l'influence des différents lobbys et groupes d'intérêts. Pour lui, le problème ne date pourtant pas d'hier et il y avait déjà eu une catastrophe en 1930 dans la Vallée de la Meuse en relation avec la pollution de l'air venant de sites industriels. Cette catastrophe avait fait 60 morts !
Aujourd'hui, les faits et chiffres sont connus et investir pour un air plus propre devrait être une priorité selon lui. Le problème est particulièrement grave certains jours lors des "pics de pollution"
En effet, lorsqu'il y a des conditions météorologiques de stagnation avec un plafond bas, la dispersion naturelle des polluants est entravée. D'une manière générale, on sait aujourd'hui que ces particules fines sont responsables de crises d'asthme, d'arrêts cardiaques, de morts prématurées(1) et de journées de travail perdues. Selon lui, on pourrait économiser 31, 5 milliards d'Euros en Europe, ces sommes étant imputables aux coûts de santé publique et aux journées de congés maladie.
La Belgique, les Pays-Bas et le Nord de la France constituent à cause de leur forte densité de population des points noirs de pollution de l'air par les particules fines depuis plusieurs années. Selon les estimations, c'est presqu'un an d'espérance de vie qui est perdue par cette pollution. Ainsi il est difficile de réfuter la dangerosité de cette pollution particulaire.
Pourquoi alors aucune politique courageuse pour lutter contre ce type de pollution ?
Il y a un vrai retard de l'Europe en comparaison avec les Etats-Unis dans ce domaine. Bert Brunekreef souligne que les concentrations maximales autorisées en Europe sont bien plus hautes qu'aux Etats-Unis (élaborées par l'Environmental Protection Agency (EPA)) et même plus hautes que celles des recommandations pour la qualité de l'air de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Tout ceci s'explique par le travail de sappe des lobbys et des représentants des groupes d'intérêts : entreprises de transport routier, constructeurs et équipementiers automobiles, syndicats du commerce d'automobiles, ... Ceux-ci utilisent toute sorte de façons afin de retarder la prise de mesure plus contraignantes et bénéficient d'une écoute, compréhension complaisantes des autorités européennes. En sus de tout celà, le respect des concentrations maximales n'est pas réalisé dans de multiples endroits en Europe.
Que pourrait-on faire avec un peu de volonté ?
Pourtant il existe un éventail large de solutions adoptables : véhicules moins polluants, filtres et pots catalytiques sur tous les véhicules, etc. Comme le problème devient vraiment critique pour le voisinage des voies de fort trafic(3), les villes peuvent prendre des mesures de limitation du trafic routier dans certaines zones des villes(4). Elles peuvent inciter et développer des infrastructures pour favoriser la marche et le vélo. Elles peuvent aussi montrer l'exemple en introduisant des technologies de motorisation moins polluantes pour nos poumons : bus et véhicules urbains hybrides, utilisation de véhicules électriques rechargeables.
En outre, il faut rendre obligatoire la mesure de tous les différents composants de la pollution de l'air comme la suie issue des véhicules Diesel et l'Europe doit adopter des normes plus sévères. M.E.
N.B. Cet article est un résumé de l'article paru dans l'hebdomadaire belge Knack du 13 avril 2011.
(1) estimée à 30 000 morts pour la seule France par an.
(2) Ce travail de sappe des lobbys et de leurs alliés est très bien décrit par Corinne Lepage dans son ouvrage "On ne peut rien faire Madame le ministre..." édité par Albin Michel, 1998.
(3) Le fait de résider à côté d'un trafic intense conduit à 15% de plus de crises d'asthme chez les enfants et 65% de plus de maladies chroniques !
(4) Les Plans de Déplacements Urbains initiés dans le cadre de la loi LAURE de 1996 par Corinne Lepage permettent d'établir des mesures efficaces dans le sens du climat, de la maitrise de l'énergie, de la limitation de la pollution sonore et de l'amélioration de la qualité de l'air.