Suivant l'exemple de six autres pays européens, l'Allemagne vient d'interdire la commercialisation de semences de maïs MON810 de Monsanto, seule variété de maïs transgénique dont la culture est autorisée en Europe. Dans une interview au Parisien, Alain Juppé a déclaré à son tour vouloir décréter un moratoire sur cet OGM, position toutefois réfutée par la ministre de l'agriculture Christine Lagarde.
Plusieurs études, faisant état d'un risque pour la santé et l'environnement, sont à l'origine du moratoire décrété par l'Allemagne, le 21 mai. La plus récente, qui a été réalisée par Greenpeace Allemagne, affirme que les quantités de toxines produites par le maïs transgénique Monsanto MON810 " varient de manière considérable et inattendue entre les épis et au cours du temps ". Les 600 échantillons prélevés en Allemagne et en Espagne ont en effet révélé que la concentration de toxine Bt dans les plantes présente une très grande variation allant de 1 à 100 d'une plante à l'autre, et ce y compris dans le même champ. En outre, la toxine Bt est de nature différente de celle qui a été présentée par Monsanto pour demander l'autorisation de ce maïs auprès de la Commission européenne, affirme l'ONG. Au regard de ces résultats, le gouvernement allemand a estimé que les risques potentiels pour la santé et l'environnement justifiaient l'interdiction du maïs MON810 de Monsanto. Une " clause de sauvegarde ", prévue par la directive européenne, permet en effet aux Etats membres de décider d'un moratoire s'ils estiment que les preuves d'innocuité n'ont pas été établies. L'Allemagne justifie également sa décision par l'absence de plan de biovigilance, que Monsanto aurait dû mettre en œuvre selon les termes de la directive européenne. Il a en effet été montré que " les effets cumulatifs à long terme de la culture sur plusieurs années du maïs OGM Bt n'ont pas été convenablement évalués dans le contexte européen, bien qu'ils soient fortement importants en terme de l'évaluation des risques " (Zwahlen et al. 2003 ; Stotzky, 2004, Baumarte & Tebbe, 2005).
" L'Allemagne réalise ce que les associations de protection de l'environnement et les défenseurs de l'agriculture biologique ne cessent de réclamer pour la France ", a souligné Greenpeace France. L'ONG rappelle le sondage qu'elle a publié lors de la campagne électorale, selon lequel 86 % des Français réclament une interdiction temporaire ou définitive des OGM et 62 % des agriculteurs attendent un moratoire de la part du nouveau président.... Or, Alain Juppé a créé la surprise ce matin, en déclarant dans une intreview au Parisien : "on vient de découvrir que la sécrétion de la toxine qui est censée tuer l'insecte qui attaque le maïs se passe dans des conditions qui ne sont pas exactement celles qu'on attendait. Donc l'Allemagne vient de suspendre l'autorisation du MON810. Dans ce cas précis il faut s'inspirer du cas allemand. " Greenpeace, qui se félicite de cette déclaration, attend toutefois " qu'elle soit très rapidement suivie d'effet, c'est-à-dire que le ministre active la clause de sauvegarde comme l'a fait le gouvernement allemand il y a quelques jours ". De fait, une polémique est intervenue quelques heures après les déclarations d'Alain Juppé. La ministre de l'agriculture Christine Lagarde a en effet jugé préférable d'attendre avant de prendre un etelle décision. La question devrait être débattue lors du conseil des ministres le 30 mai prochain. Le MON810 est aujourd'hui la seule variété d'OGM cultivée en France de façon commerciale, mais les semenciers estiment qu'environ 30 000 hectares de cette variété seront cultivés en 2007." La poignée d'agriculteurs pro-OGM français ont déjà commencé à semer leur maïs transgénique. Il va falloir trouver d'urgence une solution pour empêcher qu'il contamine l'environnement et la chaîne alimentaire ", n'a pas manqué de souligner Arnaud Apoteker, chargé des OGM chez Greenpeace. Mardi 22 mai, plusieurs associations -Attac, Agir pour l'environnement, le Collectif des faucheurs volontaires et la Confédération paysanne- avaient demandé au président Nicolas Sarkozy la mise en place d'un moratoire sur les OGM. La législation française laisse selon eux "les paysans seuls face à d'autres paysans et les consommateurs face aux opérateurs". "La contamination aura des conséquences économiques catastrophiques pour notre agriculture", affirment les signataires de la lettre adressée au président. Lors de la campagne des présidentielles, Nicolas Sarkozy avait indiqué aux ONG qu'il se prononcerait " sur un moratoire concernant les cultures existantes en fonction des prochaines conclusions de l'Agence européenne de sécurité alimentaire ". Manifestement, le ministre de l'écologie a préféré prendre une décision plus rapidement. Véronique Smée pour NOVETHIC |