Le 26 août 1970, une petite poignée de femmes déposait à l'Arc de Triomphe une gerbe de fleurs au nom de la femme du soldat inconnu. Quarante années se sont écoulées depuis avec, certes, un certain nombre d'avancées comme la reconnaissance du droit à l'avortement, la banalisation de la pilule ou la loi sur la parité. Mais, beaucoup d'entre nous ont le sentiment que non seulement nous ne progressons plus, mais que nous sommes confrontées à de véritables menaces de régression.
Tout d'abord, l'égalité professionnelle entre hommes et femmes reste en Europe occidentale largement insuffisante ; dans notre pays, la différence de salaire des femmes pour le même emploi reste de l'ordre de 22 % ; le plafond de verre continu à s'appliquer même si quelques femmes ont fait leur entrée dans les conseils d'administration du CAC 40, et les femmes sont les premières touchées par le chômage et la précarité.
Ensuite, l'égalité en termes de capacité de faire, de créer, de s'imposer reste virtuelle dans la mesure où la répartition des tâches continue à faire peser sur les femmes l'essentiel de la vie familiale, ce qui conduit beaucoup d'entre elles à modifier leurs plans de vie ou des questions de carrière professionnelle, les conduisant à avoir des enfants plus tard avec toutes les conséquences qui s'y attachent.
Enfin et surtout, la tragédie qui frappe les femmes des pays dans lesquels s'applique la charia est une tragédie pour toutes les femmes. Le récent appel lancé par Bernard Henri Lévy contre la lapidation d'une femme iranienne, Sakineh, à laquelle est reproché un adultère, est une illustration supplémentaire de ce monde dans lequel les femmes continuent à être les victimes expiatoires de conceptions obscurantistes de l’Humanité. La volonté de conquête par l’esprit et par la force que manifeste l’islamisme radical est une menace non seulement pour les malheureuses femmes des pays soumis à leur diktat, mais pour toutes les autres dans la mesure où des minorités plus ou moins nombreuses et agissantes tentent d’obtenir, sous couvert de la liberté, une application soft des règles de soumission des femmes.
Nos sociétés sont de plus en plus perméables à ces menaces dans la mesure où elles ne sont plus en mesure d’offrir, en application des valeurs universalistes et d’égalité qu’elles professent, une réalité au désir de progrès social, et en France d’intégration et d ‘égalité des chances. Ceci explique, pour partie au moins la radicalisation et l’extension du mouvement.
Ainsi, et paradoxalement, l’injustice et l’inégalité ont pour conséquence d’accroître encore et toujours la soumission et l’injustice faite aux femmes.
Nous ne lutterons contre cette situation qu’en acceptant de passer de la virtualité à la réalité en ce qui concerne les valeurs que nous défendons. La laïcité est un formidable atout, à la condition qu’elle s’accompagne d’une vraie politique d’égalité des chances pour les femmes comme pour les hommes.
En attendant, force est de constater que la laïcité perd du terrain, le droit des femmes et l’égalité des chances aussi.